LE BILINGUISME DE L’ENFANT EXPATRIÉ

Conserver sa langue natale et vivre à l’étranger est bien souvent l’une des difficultés qui se pose dans la vie familiale des expatriés. Car l’enfant expatrié, loin du pays d’origine, ne voit pas toujours l’intérêt de parler la langue de ses parents. D’ailleurs, en a-t-il réellement le besoin, quand les Français du monde abordent non pas une, mais plusieurs autres langues ? Oui, car la langue de ses parents est le véhicule d’une transmission, celle de leur culture d’origine, qui garde le pouvoir de transmettre des valeurs.

ENFANT EXPATRIÉ ET BILINGUISME

Le bilinguisme inculqué dès le plus jeune âge, est l’une des grandes caractéristiques de l’enfant expatrié. Pourtant, le témoignage de nombreux Français expatriés atteste de la difficulté avec laquelle leur progéniture appréhende parfois la langue de Molière.

L’enfant expatrié y rechigne, et il a à cela plusieurs raisons. Il vit parfois la présence d’une seconde langue à la maison comme un encombrant vestige. Son sentiment d’appartenance à la culture du nouveau pays de ses parents est souvent le plus fort. De plus, leur scolarité leur laisse souvent peu de loisirs pour apprendre une langue supplémentaire. Un fossé entre les préoccupations des parents, soucieux de transmission, et ceux de leur enfant expatrié se creuse alors.

Favoriser le bilinguisme ?

Mais, faut-il absolument défendre le bilinguisme dans les foyers expatriés ? Sans aucun doute, car il fait partie des grands bénéfices de l’expatriation. Si les parents, notamment les mères, y tiennent autant, c’est qu’il a valeur d’héritage en matière identitaire pour elles comme pour toute la famille. L’adoption de la langue natale au foyer revêt d’ailleurs un aspect important pour un parent stigmatisé par son accent étranger. Il fait figure de refuge identitaire pour lui, quand l’adaptation au pays d’expatriation reste compliquée.

Le bilinguisme a donc un rôle de charnière entre les 2 cultures de l’enfant expatrié. Car une langue ne sert pas qu’à communiquer, mais porte en elle aussi des représentations du monde et des valeurs. En parlant plusieurs langues, les enfants expatriés s’expriment dans plusieurs systèmes culturels à la fois. Les spécialistes le savent : ils développent ainsi plus de facettes dans leur personnalité. Leur intégration au monde se fera plus facilement, car ils ne connaissent pas de frontières, y compris « dans leur tête ». Un point fort pour eux plus tard, pour aborder le monde dans sa diversité et aller vive ou étudier à l’étranger plus librement.

LES CONDITIONS DU SUCCÈS

L’enfant expatrié retire un plein bénéfice de l’apprentissage de 2 langues à la maison quand celui-ci est pleinement équilibré. Cela suppose que sur les 2 langues apprises, l’une ne souffre pas d’un déficit de prestige par rapport à l’autre. La langue de la terre natale des parents ne doit donc pas être dépréciée pour que le bilinguisme se révèle harmonieux. Les spécialistes parlent alors de bilingualité additive, vecteur d’expérience enrichissante et de performances intellectuelles pour les enfants.

L’affectif

Le contexte affectif dans lequel s’effectue l’apprentissage d’une langue pour l’enfant expatrié est donc primordial. Il induit des aspects psychologiques importants qui favoriseront son succès. Notons qu’un enfant n’acceptera de parler une langue avec un adulte que s’il perçoit l’intérêt d’avoir des relations sociales avec lui. À ce sujet, les progrès rapides que font les enfants adoptés dans la langue des parents adoptants, sont assez éloquents.
On ne s’étonnera donc pas de l’implication des mères aussi dans cette aventure. Ce sont bien elles, en effet, qui prennent les choses en main, pour que perdure leur langue « maternelle ». Elles prendront à cœur pour cela, de l’intégrer à la vie quotidienne d’un enfant expatrié. Que ce soit par de petites ingérences domestiques, avec des exercices glissés dans l’emploi du temps, ou par le biais de jeux familiers. Dans le tissu affectif de la relation parent-enfant se transmet alors les rouages d’une langue porteuse de racines et d’identité. Loin d’être toujours idyllique, cette relation réserve des heurts, des résistances et ses petits chantages. Elle porte en elle pourtant l’enjeu de toute une transmission orale symbolique entre l’enfant et la culture dont il est issu.

La mobilité internationale qui relègue les femmes au foyer, les reconduit dans leur fonction ancestrale de gardiennes des traditions. C’est donc à elles qu’incombent les obligations propres au bilinguisme de leurs enfants. Tâche parfois difficile, car ces enfants sont tiraillés entre divers courants et la volonté de s’affranchir de leurs origines. C’est pourtant d’une transmission importante qu’il s’agit, car elle fait la passerelle entre leur devenir et leurs racines profondes. La transmission d’une langue native reste donc, pour la femme d’expat et son conjoint, un devoir de mémoire tourné vers l’avenir.