QUAND LA FEMME DOIT « SUIVRE »

Comme aux premières heures de l’espèce humaine, la femme d’expat se retrouve contrainte de suivre son compagnon qui devient le seul pourvoyeur de sa subsistance. Pas sûr que toutes les femmes d’aujourd’hui aient beaucoup à gagner dans ce schéma quelque peu périmé. Ce qui explique que certaines audacieuses en viennent à refuser de partir, quitte à mettre leur union en suspens durant la période d’expatriation. Mais est-ce là  si déraisonnable ? Contrairement aux apparences, « suivre » demande, en effet, beaucoup d’abnégation aux conjoints d’expatriés.

FEMME D’EXPAT : ÊTES-VOUS PRÊTE À SUIVRE ?

La majorité des Français de l’étranger partent en couple, mais s’il s’agit d’une vraie rampe de lancement professionnelle pour l’homme, la femme d’expat, elle, va renouer avec le foyer et la sphère domestique. Bien sûr, au départ, il s’agit d’un accord, mais les femmes sont souvent loin d’évaluer, l’importance du sacrifice d’une part, et le temps que va durer l’expatriation.
Beaucoup abandonnent une vie professionnelle qu’elles aimaient et pensent compenser la perte par la tranquillité et le temps qu’elles vont consacrer à leur famille. Mais, les évènements en décident autrement.
En abandonnant un rôle social, qui devient aujourd’hui primordial pour son estime de soi, la femme d’expat perd souvent le sentiment d’exister. Cela peut aller même jusqu’au sentiment de régresser, tant il est difficile de se retrouver dans un rôle tout droit sorti du passé. De multiples détails surgiront dans sa vie pour lui rappeler la perte de son indépendance. Par exemple les sommes d’argent liquides que son conjoint lui glisse, vécues tout d’un coup comme un lien avilissant. Une femme doit s’interroger sur la dépendance financière inhérente à l’aventure avant de partir, au risque de subir un atterrissage brutal.

Femme de ?

Lors des sorties au bras de son conjoint, une femme d’expat affronte le même sentiment de diminution. Une expatriée se sent « sous cloche », considérée comme « la femme de », soit recluse dans un rôle inutile et dépersonnalisant. Privée de leur propre carrière qui les définissait dans leur statut de femmes modernes, les conjointes d’expatriés risquent de se replier sur leurs enfants, au risque de se laisser dévorer par leurs attentes.
Bien sûr, il lui reste la possibilité de trouver du travail dans le pays d accueil. Mais le défi à relever est énorme et l’amène souvent à accepter des postes bien permis en dessous-de ses qualifications. Dans certains pays d expatriation, tout permis de travail est interdit pour une conjointe, donc toute carrière à l’étranger, définitivement exclue.

La réflexion… avant !

Alors, avant de suivre inconditionnellement l’amour de sa vie au bout du monde, quelques réflexions s’imposent pour la femme d’expat. Que signifie vraiment la mobilité professionnelle de son conjoint ? Est-elle prête à vivre à l’étranger  et s’expatrier ? Comment trouver un job ? Derrière l’idée d’une expatriation réussie, se cache souvent l’ambition d’une vie matérielle privilégiée. Mais celle-ci peut-elle compenser toutes les pertes ? Pour certaines, peut-être, mais pour les plus nombreuses, elle ne compense pas l’absence d’un emploi sur place.

LE COUPLE EST-IL SUFFISAMMENT SOLIDE ?

L’antique réflexe de « suivre » n’est pas toujours anodin : il peut traduire des problèmes préexistants au couple, bien avant l’expatriation. Il y a dans cette attitude, une forme de passivité qui traduit un abandon ou le désir de remettre sa vie entièrement dans les mains de l’autre. Plus que le choc culturel ou l’isolement amical, la dépendance affective d’une femme d’expat va être source de difficultés et de souffrances dans son parcours.

Pour « tenir » en expatriation, un couple doit résister à l’éclatement de toutes les habitudes qui soudaient son cocon. La complémentarité des partenaires est primordiale, mais ne peut jouer son rôle si l’un existe au détriment de l’autre. Pour faire face aux multiples adaptations d’une vie d’expatrié, une femme doit être solide, car son compagnon lutte déjà avec ses difficultés à lui. Or, si l’expatriation se révèle un combat au départ, la fusion avec un partenaire ne prépare pas à y tenir sa place.

Une femme d’expat doit non seulement réfléchir aux conséquences d’abdiquer son indépendance, mais aussi aux vraies raisons qui la poussent à « suivre » un homme et à s’en sentir indissociable.

ET QUAND RIEN NE VA PLUS ?

Les difficultés liées à l’expatriation font vivre au couple une zone de turbulences éprouvante. Si elle ne fait plus qu’entrapercevoir un conjoint relié à ses multiples occupations et n’a pas l’énergie de recréer du lien autour d’elle, que devient la femme d’expat ?
Le risque de repli sur soi la guète, accompagné de dépression et de dérives addictives, notamment médicamenteuses. Pour son conjoint, il va s’agir d’un souci sérieux, mais tous ne choisissent pas de s’en préoccuper. L’appui de la thérapie, des amis ou de la famille au loin reste le meilleur soutien pour affronter ces moments de grandes tensions.
Il reste alors à la femme d’expat une question cruciale à régler : celle du retour d’expatriation. Bien souvent, un couple qui a eu du mal à se construire loin de son pays d’origine, ne nourrira pas les mêmes projets. C’est dire l’importance de cette question, qui devrait être soulevée avant de partir. Mais, pour la femme sujette à la dépendance affective et à la dépression, la capacité à se projeter est limitée. Elle est mal placée pour négocier son départ et se retrouve plus ou moins contrainte d’accorder un peu trop vite sa confiance.

La vie des femmes d’expat, échappe aujourd’hui aux clichés, pour révéler, au travers de nombreux témoignages, qu’elle n’a souvent rien de rose. Anticiper personnellement son projet d expatriation relève donc du bon sens. Partir doit relever d’un choix conscient dans l’esprit de chacun, et non d’un sentiment de contingence dans la vie de l’autre.